Les bienfaits de Facebook

Dessin Remi Malingrey

Au début tout a commencé innocemment. J'ai reçu une invitation. Je n'y ai pas prêté attention. J'en ai reçu une autre plus insistante et puis encore une autre. Comme j'ai tendance à vivre retranchée dans ma maison comme une vieille aigrie qui a, en plus peur du téléphone, j'ai décidé de me faire violence, de prendre ma vie en main. Le genre de vision ou vous êtes pendant deux minutes empli d'un positivisme éclairé, persuadée de pouvoir tout accomplir.
Non, plus jamais vous ne laisserai des légumes dépérir au fond de votre frigo, vous irez faire du jogging avec ces nouvelles baskets achetée il y a deux ans déjà, vous marquerez le montant et l'achat sur le bordereau de tous vos chèques. Oui une nouvelle vie allait commencer, et c'était LE déclencheur.

Alors j'ai fini par répondre aux invitations de Facebook.

J'avoue, je m'étais inscrite pour me moquer derriere mon ecran de la gueule et de la vie des gens que je détestait. Une fois le but atteint, ça n'était plus vraiment drôle et tout l'intérêt que j'avais mis à trouver de nouveau défaut à mes ennemis (e) bien plus grave que les précédents me lassa.
(Je conseille tout de même de le faire une fois par an, pour une question d'hygiène personnelle et affûter son sens critique).
J'ai donc eu le plaisir de redevenir ami virtuel avec des amis actuels, et de connaître tout un tas de gens plus surprenants les uns des autres. Bien sur j'ai évité soigneusement les bombes, les chaudasses, les célibataires, les filles intelligentes et/ou pourvu de morale, et un possible monstre qui rassemblerait le tout-en-un.
Je devais créer un cercle d'amis majoritairement masculin dont je serai la Reine.

Mon groupe d'amis étant donc vraiment trop restreint, j'ai quémander l'amitié à des organismes, associations et autres lieux de divertissements que je consulte sur le net habituellement afin de regrouper sur facebook une sorte de journal d'informations personnalisé, dithyrambique qui me confortait tous les jours un peu plus dans mes avis bien tranchés. J’étais géniale, des que je regardais mes actualités, j'avais raison sur tout.
Avec toutes ces invitations lancées et la découverte d'un monde tout nouveau et sans risques je me senti pousser des ailes. Enfin je pouvais dire ce que je pensais! revendiquer ma haine de Obispo, m'inscrire sur des groupes anti pedophile, participer à la lutte contre le cancer, le sida, la tuberculose et le prurit du chien blanc. Je me suis découverte de nature pugnace, je combattais l'injustice du tremblement de Terre en Haîti tout en me révoltant de la fermeture de la salle de concert en bas de chez moi.
J'étais de toutes les luttes, toutes les batailles.

Mais j'ai dérapé, j'ai commencé à donner mon avis politique sur les groupes adéquat, a me quereller avec des mères de famille-creatrice-cuisiniere-et-psychologue qui prônaient l'éducation de l'enfant roi. Les fourbes étaient passées incognito dans mes invitations et venaient faire une acte terroriste dans MON actualité personnalisée!

J'ai rencontré des squatteurs virtuels, qui une fois dans mes amis ont trouvé que c'était mieux là que chez eux, le genre de type qui s'invite à la soirée et appelle tous ces potes pour qu'ils se ramènent et profite de la fête.. J'ai alors sévit et fait un tri drastique dans mes fréquentations. Un ex avait pour principe "dis moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es", cela dit c'était un sale con.
Une fois que j'ai eu repris le contrôle de ma vie facebookienne, j'ai eu la surprise et le grand honneur d'avoir droit à la visite de certain vieux vieux vieux amis..
En plus comme j'avais tardé à m'enregistrer ils s'étaient déjà tous retrouvé et n'avaient déjà plus rien à se dire. J'allai donc reconstitué ma classe de 1903 sur mon facebook en leur racontant ma vie de Princesse.

A partir de la 5eme retrouvaille j'ai fait un emeal "type" qui concentrait ma vie depuis la dernière fois ou nous nous etions vu, le tout en moins de 10lignes. C'etait bref, sobre, efficace, et surtout passionnant. Comme on peut s'y attendre il eu beaucoup de déception de part et d'autre, et une petite poignée de très chaleureuses retrouvailles.
L'expérience apprenant, j'ai compris que je verrai des faux amis venir prendre la température, les hommes pour un plan baise, les filles pour comparer leurs vies à la mienne, ainsi que mon caractère horripilant reprendre le dessus..mais ça c'était déjà trop tard, j'avais déjà re-insulté une vieille bonne femme qui s'était planquée dans mes contacts, tapie dans l'ombre elle assénât un grand coup de vidéos raciste et homophobe sur ma page d'actualité si parfaite.
C'était trop!
J'ai donc décidé d'utiliser au mieux internet, j'ai changé d'identité, bloqué mes amis, fait des tris, vidé ma haine et mon venin sur tous ceux qui en valaient la peine (les elus) et fini par me servir de facebook comme d'une boite emeal-myspace qui me rappelle que je devrai vraiment sortir plus souvent.